Lupstein

Église Saint-Quentin

Une église est attestée dès 994. Aux environs de 1503, sous la direction du maître d’œuvre Matheus Swen, la nef primitive de l’église a été démolie puis reconstruite. Lupstein étant devenu définitivement paroisse indépendante en 1774, le curé Michel Ulrich va y exercer son ministère jusqu’en 1790. Il mettra ces seize années de présence à profit pour reconstruire entièrement l’église, datant de 1503, et se trouvant dans un état des plus vétustes. L’église actuelle date de 1783-1786 ; elle est due à l’architecte François-Antoine Le Roy dont le projet proposait une variante (non retenue), selon laquelle l’ancienne tour chœur aurait été conservée. L’ancien sanctuaire, démoli de fond en comble, laisse place à une église toute neuve, plus spacieuse, toujours orientée vers l’est. Au dessus du chœur, à la limite de la nef, une tour basse surmontée d’un toit à quatre pans triangulaires fait office de clocher. L’aspect extérieur de l’édifice fut modifié encore en 1862, par la suppression du petit clocher. L’architecte Fürst de Saverne éleva alors une tour-porche à quatre étages, accolée à la base contre le fronton occidental, le porche étant dans le côté sud. La tour cache ainsi la partie centrale de la façade et du pignon de 1781 ; l’ancien porche fait communiquer le hall d’entrée de la tour avec l’intérieur de la nef à vaisseau unique. Pendant les travaux, on découvre des fragments de tympans sculptés du début du XVIe siècle, provenant de l’église antérieure.

Dans le chœur, décor moderne de tableaux et médaillons peints sur les murs : Annonciation et Apparition du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie (côté nord) ; Apparition de Notre-Dame de Lourdes à sainte Bernadette et Assomption de la Vierge Marie (côté sud). Le plafond porte un décor de stuc (XVIIIe siècle) : coquilles et têtes d’angelots à la brisure des murs. L’arc triomphal surbaissé est en pierre de taille. Les vitraux du chœur, réalisés en 1956 par les ateliers Ott de Strasbourg, représentent les quatre évangélistes avec divers symboles. Le maître-autel a été réalisé par le menuisier Läuffer de Haguenau, en 1784. Le tabernacle en bois doré, à porte cintrée, porte en décor l’Agneau couché sur le livre aux sept sceaux (la même thématique est reprise sur le tombeau). Le maître-autel est encore complété d’autres décors : œil de Jéhovah, têtes d’angelots, trophées liturgiques, blé et raisins. Deux anges en bois polychrome, agenouillés, et le crucifix en bois doré rehaussent la beauté de l’autel. Au-dessus du tabernacle figure une huile sur toile (d’une hauteur de 3,80 m) représentant saint Quentin, patron de la paroisse. Le saint est agenouillé, un crucifix à la main ; sur le sol, les clous de son supplice ; dans le ciel, des anges avec palme et couronne des martyrs ; à l’arrière-plan, scène de la décollation du saint. L’ensemble des deux autels latéraux et retables datent de la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’huile sur toile de l’autel latéral sud représente saint Sébastien (patron secondaire de la paroisse) attaché à un arbre et transpercé de flèches ; la toile de l’autel latéral nord est une Déploration (après sa mort sur la croix, Jésus est déposé sur les genoux de la Vierge Marie). La chaire, contre le mur nord, est également une œuvre du XVIIIe siècle. Le dorsal comporte une belle représentation du Bon Pasteur (huile sur bois). Au pied de la chaire se trouve le baptistère en grès daté de 1685. La vasque, supportée par un piédestal galbé, est ornée sur son bord d’une guirlande de feuilles de lauriers et de gracieuses sculptures de têtes d’angelots.

Ossuaire (cimetière)

Comme la seconde église, l’ossuaire fut construit par Matheus Swen dont la marque Ṁ presque effacée se trouve gravée au-dessus du millésime 1503. Contrairement à une opinion très répandue, cet ossuaire (même s’il conserve des centaines de crânes et d’ossements) ne fut pas érigé spécialement en vue de recueillir les ossement des paysans massacrés à Lupstein en 1525 (*). Le bâtiment, au nord du chœur de l’église, n’a qu’un rez-de-chaussée non plafonné, couvert par un toit à deux versants, remplaçant un toit en pavillon encore visible sur les relevés de Le Roy. Les murs sont en moellons de grès crépis, grès taillé pour les chaînes d’angle et les ouvertures. L’embrasure de la porte conserve une marque de tâcheron. La baie en segment d’arc est ornée du millésime 1503, du monogramme de Matheus Swen et d’une autre marque de tâcheron. Sur le mur pignon, une dalle de grès rapportée, que borde une couronne de lauriers, porte une croix entourée d’une inscription pieuse de 1818 : « Sterblicher denk ans Sterben. Heute an mir. Morgen an dir. Es ist ein heiliger und heilsamer Gendanke für die Verstorbenen zu beten. II Mach. XII 46. RIP 1818. »

(*) Quelques explications concernant les terribles événements de 1525 :

Accablés par les impôts, la dîme et les privations, les paysans (rustauds) se sont révoltés. Des troupes d’insurgés, formés en divers points, faisaient route vers Saverne : ils cherchaient à occuper la ville fortifiée et de ce fait, empêcher l’entrée de l’armée du duc Antoine de Lorraine en Basse-Alsace. Celui-ci avait été appelé par les seigneurs de la région pour combattre l’insurrection. Le duc arriva le 15 mai par le col. Avec ses 10.000 hommes, il encercla la ville bondée de Savernois, de réfugiés et d’insurgés. Le lendemain matin, le duc et les seigneurs assistèrent à un office solennel célébré dans une tente aménagée en chapelle : il rendirent « grâce et louange à Dieu de ce qu’ilz avoient gaigné le passage très dangereux [des Vosges au col de Saverne] et qu’ils tenoient un gros nombre de leurs ennemys encloz et bien enfermez dedans la dicte ville de Saverne sans qu’ilz peussent eschapper aucunement. » Puis ce fut l’attente, aussi bien chez les paysans que chez leurs adversaires, de secours à venir même d’Outre-Rhin et de Palatinat. De grandes unités d’insurgés furent signalés çà et là, unités de plusieurs centaines et de quelques milliers de paysans armés de faux, fourches et pioches : l’une à Reutenbourg, laquelle se dissipa ; une autre à Dossenheim – Bouxwiller, qui sera dispersée ; une troisième, près de Lupstein, qui se livrera à une résistance opiniâtre avant d’être anéantie. Dans l’après-midi du 16 mai 1525, les paysans rassemblés devant Lupstein ont été massacrés en partie. Se réfugiant dans le village incendié, les autres paysans se sont retranchés dans le cimetière et dans l’église. Le feu mis aux maisons, gagna l’église où des paysans s’étaient retirés comme dans un dernier bastion : la chaleur et la fumée allèrent les y étouffer, les flammes les brûler, les ruines de la charpente les y recouvrirent. La violence des lansquenets lorrains qui s’exerça à travers Lupstein n’épargna ni l’âge ni le sexe.

Le chroniqueur Volcyr parle de cette terrible journée : « Les insurgés, terrifiés, crient enfin merci, et montrent leurs chapeaux aux fenestres en signe de reddition, mais on n’y pouvoit voir à cause des flammes ; ils venaient trop tard à repentir, aucuns d’eux sautaient en bas des maisons et de l’église, et les autres brisaient les toits pour mettre le chef dehors à cause de la fumée qui les étouffait. Et fust la tuerie si cruelle que le sang, entremèslé avec eaue de pluye couloit à gros ruysseaulx parmy les rues. »

Dans cette barbarie du 16 mai 1525, on dénombrait plus de 3.000 morts.

Saint Quentin, qui es-tu ?

Je suis né à Rome au milieu du 3e siècle. Mon père, Zénon, exerce la charge de sénateur. Devenu chrétien, je décide de me rendre en Gaule pour évangéliser la Picardie. Lucien et d’autres amis m’accompagnent. C’est à Amiens que je décide de m’installer. Beaucoup de gens m’écoutent parler de Jésus, certains demandent même à être baptisés. Mais je n’ai pas seulement des amis : le préfet Rictiovarus, qui n’aime pas les chrétiens, me fait arrêter et jeter en prison. Il s’est juré de me faire abjurer ma foi en me faisant torturer, mais en vain : je suis chrétien et j’entends le rester ! Après de nouveaux supplices (dont le supplice des broches qui consiste à m’enfoncer des clous dans les épaules, les mains et les pieds), Rictiovarus ordonne de me conduire à Reims. En route, alors que nous sommes à Augusta Viromanduorum, le préfet décide d’en finir avec moi : après de nouvelles tortures, je suis décapité. Aujourd’hui, la ville d’Augusta Viromanduorum porte mon nom. Elle s’appelle Saint-Quentin.

Ma fête est fixée au 31 octobre.

Je suis le saint patron de l’église de Lupstein.